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Rando d'un mois en Bretagne : compte-rendu

Sujet commencé par : Danae - Il y a 266 réponses à ce sujet, dernière réponse par kefiretlome
6 personnes suivent ce sujet.
Par Danae : le 11/01/14 à 17:47:34

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 Bonjour à Tous !

L’été dernier, j’ai accompli un vieux rêve en accomplissant une randonnée d’un mois sur les chemins bretons avec mon compagnon, mon chien, et bien sûr Eden, mon trotteur.

C’était une expérience magnifique, environ 350 bornes de bonheur, que je souhaite à chacun d’avoir l’occasion de vivre un jour. J’aimerais vous la faire partager via ce post, afin de vous faire profiter des belles images, des bons plans, des idées qui nous ont aidés, mais également de nos erreurs.

En effet, je n’aurais pas aussi bien planifié cette randonnée sans les expériences des autres cavaliers randonneurs dont j’ai pu profiter via ce forum, notamment grâce à de très beaux journaux de randonnée très bien écrits ; et j’aimerais rendre la pareille à ceux qui pendant les mois d’hiver rêvent de préparer leur premier long périple pour la belle saison.

C’est pourquoi je vais essayer de donner les détails techniques qui m’ont particulièrement aidés, en plus de vous raconter nos aventures ! Je m’aiderai d’un journal de rando que j’ai tenu jusqu’à la moitié du parcours, après quoi j’ai eu grave la flemme, comme il se doit pendant les vacances. Mais je me souviens de tout.
Lecteurs non assidus s’abstenir, ce sera pavé sur pavé ! Mais je vous promets une lecture aussi agréable que possible !

J’espère que ça vous plaira !

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Par Danae : le 11/01/14 à 18:00:33

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 Jour 1
Je vous présente donc Merlin, Eden et mon chien Kinaï. Ils ont déjà tous une très bonne expérience de la randonnée et des périples divers, mais c’est la première fois que nous partons aussi longtemps. Merlin part à vélo, et nous avons acquis pour l’occasion une petite carriole pour transporter le matériel encombrant, et pour pouvoir y placer le chien sur les tronçons de route dangereux.
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Nous sommes le 2 juillet 2013, et après plusieurs jours de préparation et d’achats divers, nous sommes prêts.

Pour l’occasion, j’ai remplacé ma selle sans arçon un peu pourrave par une selle de rando de type Mac Lellan, assez légère, sur laquelle j’ai adapté une peau de mouton pour le confort. En dessous, le tapis de selle est constitué d’une peau de renne (absorbe bien la sueur sans faire de plis), avec deux peaux de mouton épaisses au-dessus, disposées en croix. De cette façon, les battants des sacoches ne reposent pas sur la peau des flancs, et l’amortissement est idéal. Pis j’aime bien les peaux (surtout) :3

Par Danae : le 11/01/14 à 18:12:13

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Pour commencer dans les règles, voici la liste de ce que nous avons emporté, une partie transportée par mon cheval et le reste dans la carriole. Cette liste, élaborée par tâtonnements au fil de mes randos, s’est révélée suffisante, puisqu’on il n’a fallu la compléter qu’à l’occasion d’imprévus.

Dans les fontes, les objets usuels : carte, boussole, couteau, un kit de couture, un porte-monnaie (SANS la grosse réserve de thune bien à l’abri entre deux pages agrafées dans un carnet, près de ma carte d’identité + carte vitale), des briquets, et les petits objets de pansage : mini-bouchon, cure pieds, mini-brosse dure, produits anti-mouches et moustiques (qui a servi à tout le monde dans les marais !). Et les trucs qu’on aime bien avoir sous la main : des biscuits et des fruits, et l’appareil photo.

Dans les sacoches :
- la garde-robe, réduite en mode gitan : deux débardeurs, deux sous-pulls légers, deux paires de chaussettes, quelques sous-vêtements, un gros pull, un jean de change, les ponchos de pluie et une pièce de tissu qui sert à tout (jupe, chapeau, écharpe, sac…). En plus, j’avais sur moi une parka militaire, mon jean de l’aventure, et une écharpe que j’accrochais n’importe où (ça sert à tout aussi).
- Un seau pliable, des gourdes pleines, des sacs poubelles (pour couvrir les affaires par temps de pluie).
- Le chargeur de mon téléphone et celui de l’appareil, dans un petit sac étanche.
- Des bouquins
- La bouffe en surplus, et une couverture en polaire (ça pèse rien et c’est bien chaud).

Derrière la selle : la tente (marque Ultralight, environ 2 kg) dans le charvin, et par-dessus le duvet bien sanglé. Il finira bientôt dans la carriole, échangé contre le réchaud. On ne se doute pas de la contenance de ses sacoches en cuir achetées à pas cher !! Une remarque importante pour ceux qui prévoient de se lancer dans une aventure semblable : une fois que vous avez établi une place pratique pour chaque chose, mieux vaut s’y tenir, afin en cas d’urgence de pouvoir très vite sortir un élément du paquetage sans tout foutre par terre. Exemple vécu avec la pluie battante qui vous arrive sur le coin du museau en chantant : salut, vous êtes en Bretagne, bonnes vacances les connards ! Et moi qui cherche mes ponchos dans la sacoche droite, non la gauche, ah putain c’était la droite, et vla t’es trempée .

Pour tout le reste … Dans la carriole ! Heureusement mon amoureux est très très fort muhuhu : le sac de bouffe avec une casserole et deux gamelles en alu, des cuillères et des fourchettes, un truc pour touiller et une éponge, plus les croquettes du chien. Ce sac était très lourd car nous sommes de fins gourmets, et vous verrez par la suite qu’on a eu une autre exigence culinaire que le traditionnel pain-fromage. Même sur la route on peut cuisiner !

Il y avait aussi un autre duvet, une corde d’escalade de vingt mètres, plus un petit bout de corde pour faire un raccord, une longe, une machette, les habits de Merlin (beaucoup plus que moi, c’est une princesse), une petite serviette, la trousse de toilette commune et une trousse à pharmacie complète mais légère, et enfin, quelques kilos de granulé pour Eden. Et bien sûr du bazar utile : du fil de fer, des pinces, des cannes à pêche

Un truc pratique : pour faire des sacs à grains, j’ai pris un vieux jean dont j’ai coupé les jambes et que j’ai cousu en sacs d’un bras de long, avec fermeture coulissante (cordelette passée dans l’ourlet). A toute épreuve !


Par Danae : le 11/01/14 à 18:20:11

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 Après quelques heures à organiser le paquetage, nous étions donc prêts, notre périple pouvait commencer.

Nous sommes partis de Vern-sur-Seiche dans l’après-midi, et avons pris le sud-est vers Pont-Péan pour rejoindre la Vilaine et son chemin de halage. Notre premier objectif : la suivre jusqu’à la mer, qu’Eden n’avait jamais vu de sa vie. Nous passons par saint Erblon que nous quittons avec une réserve de pain et des gâteaux dévorés sur la route. Nous suivons le GR jusqu’au Moulin du Boël sous la pluie battante. Kinaï, transporté dans la carriole, a fini par se résigner et ne couine plus.

Nous atteignons la Vilaine dans la soirée, à cet endroit dangereux où un pont piéton très étroit jouxte immédiatement la voie ferrée pour enjamber la rivière. Je sais qu’Eden passera pour être déjà venue là l’an passé, quand j’allais en Brocéliande.

Mais nous décidons de remettre la traversée au lendemain, et demandons l’hébergement à un gentil couple, qui nous prêtent leur grange pour la nuit. Ils nous amènent même un repas chaud et du café pendant que nous montons le camp. Je remarque une gonfle sur le garrot d’Eden, que je n’ai pas dessanglé avant de faire étape, alors que la sangle était très serrée pour permettre une bonne tenue du paquetage. On ne m’y reprendra plus ! Je sors le sac d’argile concassée de la trousse à pharmacie (Avais-je dit qu’elle était légère ? J’ai menti.) et je pose un cataplasme.

Une étape importante pour Eden se jouait ce soir-là : malgré sa grande expérience de la randonnée, je m’étais toujours arrangée pour qu’il passe ses nuits d’étape à l’herbe, dans un enclos, même improvisé. Pour cette randonnée, je sais que nous n’aurons pas toujours le luxe de trouver un pré tous les soirs, alors il doit apprendre à passer la nuit à l’attache, et sans foin.

La grange s’y prête : je peux tendre une ligne d’attache entre deux poteaux, dans laquelle je passe la boucle du bout de corde qui sert à rallonger l’allonge de la longe, en plus de constituer une sécurité : si Eden tire, c’est ce morceau qui se casse, et non la précieuse corde. Astuce pour tout ce qui est nœuds : c’est tout con, mais ne jamais faire de nœuds trop compliqués à défaire. C’est une horreur quand on est dans l’urgence. Je base tous mes nœuds sur le nœud d’attache simple qu’on apprend dans les manuels de galop 2, et c’est vraiment ce qu’il y a de plus pratique ! Il faut simplement toujours les sécuriser en repassant le bout libre dans la boucle pendante, que l’on serre. Fastoche.

Par Danae : le 11/01/14 à 18:46:07

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 Eden mange sa ration, puis commence à faire le con pendant notre repas : L’herbe du jardin est à deux pas, et il n’ay a pas accès : scandale. Il piaffe et s’excite, mais je me contente de le rassurer et de lui faire des séances gratouilles. Quand la nuit tombe il est calmé, et la nuit se passe sans anicroche : test réussi !

Sauf pour moi qui n’ai à peu près pas dormi du tout, à cause de la poussière dans laquelle on dormait, et dont les peaux de mouton n’isolaient pas vraiment. Et pour cause : quand je sors mon duvet, en général mon chien arrive dans la seconde et plonge dedans, et se roule en boule avec l’air de dire « rraaahhh, pas trop tôt, un peu de confort, maintenant foutez moi la paix ». Même si c’est un chien aventurier qui a pas mal baroudé en sept ans, c’est quand même un Cavalier King Charles, c’est-à-dire un chien-à-coussins. Il passera la nuit à dormir en boule derrière mes jambes, puis à sortir du duvet car trop chaud, puis à y rentrer à nouveau car trop froid. J’ai l’habitude, mais la poussière dans le duvet, ça par contre…


Par Danae : le 11/01/14 à 19:55:17

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 Jour 2
Je me réveille tôt le lendemain, d’une humeur superbe malgré ma sale nuit, et je fais ma toilette et nourris Eden pendant que mon chéri fait la grasse mat’. Nos hôtes nous honorent encore d’un café, puis nous partons, et attaquons la traversée du pont, sans anicroche. Nous glapissons de joie comme des crétins sitôt sur le halage, et le voyage commence pour de bon.




On s’offre un petit galop pour fêter le départ, Eden est très en forme, et Merlin pédale sans souci sur ce chemin de sable. Les écluses se succèdent jusqu’à Bourg-des-Comptes, où nous traversons la rivière pour nous offrir un café. Dans un garage, Merlin fait regonfler les pneus de la carriole par le garagiste. Gratos, sympa. Sauf qu’après un grand merci, on repart, on fait deux mètres, et BLAH ! L’un d’eux éclate. Le type les avait trop gonflés. Première couille dans le pâté d’un périple qui il faut le reconnaître, n’en comportera qu’assez peu. Je me retrouve bloquée au garage avec la carriole dételée pendant que Merlin par en vélo chercher un pneu à la ville la plus proche, Gichen. Kinaï dort comme une souche, et Eden est très calme et roupille aussi plus ou moins, malheureusement, il a une méchante diarrhée. Je dors vaguement contre le mur au soleil, la longe à la main, quand soudain il lâche une horrible bouse qui éclabousse PARTOUT. Le garage est déshonoré, et je passe l’heure suivant à essayer le laver cette horreur comme je peux, en aggravant plutôt les choses. Le garagiste le prend très bien, à vrai dire il s’en tape, à mon grand soulagement.
Merlin revient avec une réserve de pneus et chambres à air, et la petite pompe qui nous manquait, et nous repartons en fin d’après-midi vers le halage. Le chemin est désert, nous ne croisons que quelques promeneurs en vélo, et en fin de journée plus personne. Nous squattons dans un pré désert au bord de l’eau, et établissons le campement derrière un bosquet pour rester discrets. Pour éviter qu’Eden déambule toute la nuit dans la pâture mal clôturée, nous prenons le parti de l’enfermer dans une extrémité du pré. C’est là qu’avoir une loooongue corde se révèle très utile ! Eden est détendu, très content de brouter l’herbe rude qui calme un peu sa diarrhée. Tout le monde mange, granulés, croquettes et Polenta, puis nous dormons tous ensemble sous les arbres qui bordent le pré improvisé. La nuit est paisible, malgré les animaux nocturnes qui fichent un terrible baroufle sur les flancs boisés aux abords de l’eau.


Par Sahel46 : le 11/01/14 à 20:29:14

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  le pied!!! J'ai hâte de lire la suite de vos aventures!

Par Danae : le 11/01/14 à 20:39:46

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 La suite !
(Merci Sahel )

Jour 3
Grasse matinée pour tout le monde : nous décollons à 10h après le café turc-tartines. Oui, on a du pain, du beurre et de la confiture. Il faut ce qu’il faut, hein. C’est l’aventure, mais de luxe !
On reprend la route. Eden n’a peur de rien, je suis très fière de lui. Avec un litre de floconné tous les soirs, un peu d’herbe en journée, la pâture la nuit, et une pause de 10 mn toutes les heures, il tient un rythme très correct, autour de 7 km/h, sans que je le pousse. La suite de la rando de le verra prendre des forces, et insister pour courir toute la matinée… Ben oui, je suis un trotteur, je trotte moi madame ! Vraiment reposant le matin au réveil…
Kinaï est fatigué mais tient le rythme sans se plaindre. En milieu d’après-midi, nous découvrons une carrière à l’abandon.

Un lac d’un bleu pur en a empli le fond. C’est bien trop beau pour résister, et nous découpons discrètement le grillage qui protège l’enceinte pour descendre faire un tour. Nous nous baignons et nous lavons dans l’eau glacée pendant qu’Eden et Kinaï trempent leur pieds sans enthousiasme. Eden sent ma nervosité à cause du risque de chute de pierres, et proteste contre l’absence d’herbe mangeable, nous repartons donc assez vite.

La gueule du "Nan mais t'as cru quoi, je met pas un sabot là-dedans moi."


Arrivée sur Messac à 18 heures, nous faisons en passant des courses abusives au supermarché du coin. Invité par les gens du coin, nous investissons tranquillement un pré communal très bien clôturé juste au bord de l’eau, et envahissons discrètement les douches du camping voisin. Notre première douche chaude depuis le début du périple est savourée comme il se doit. Après que tout le monde aie mangé, je finis la soirée au bord de l’eau en grignotant les cerises offertes par un passant, pendant qu’Eden bâfre toute l’herbe possible, que kinaï roupille avec acharnement, et que Merlin pêche du carnassier. Nuit tranquille à la belle étoile dans le pré malgré la pluie qui menace.

Par Danae : le 11/01/14 à 21:20:10

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Jour 4
Nous mangeons au petit-déjeuner la brème péchée la veille par Merlin, avec une sauce au miel, beurre et échalotes. Ouais. La journée commence pas mal. Décollage tranquille vers 11 – 12 heures, pour marcher le long de la rivière dans un calme et une tranquillité parfaits. Les paysages se mettent à devenir complètement extra-bretons, tenant plutôt du Guard, et parfois même on se croirait en Amazonie tellement la rivière s’élargit par endroits. Nous faisons une pause près du pont de Corbinières où nichent des chauves-souris dans un refuge. Merlin attrape deux petites perches sous les arches du pont pendant que je prépare des nouilles instantanées (ouais, on a aussi la flemme parfois.). Kinaï tombe dans l’herbe et s’endort à chaque pause, complètement vanné. Il n’a pas l’habitude de marcher 15 bornes par jour.
Eden quant à lui supporte bien la ligne d’attache, et profite de l’herbe.




Plus tard, nous passons l’une des dernières écluses avant la mer, où l’éclusier tient le plus beau jardin que j’aie jamais vu. Il nous fait gouter une espèce de menthe connue pour son goût de chocolat, et nous en donne un bouquet en même temps que de l’eau fraîche. La chaleur est plus forte chaque jour, et tout le monde boit énormément. Arrivée en fin de journée à Port de roche où un bivouac pour bateliers nous attend complaisamment. Nous investissons l’espèce de cabane de bois leur étant destinée, et la transformons en box avec paddock (encore grâce à notre super corde géante, qui sert également à puiser des seaux d’eau pour Eden quand la rivière est inaccessible). Je monte le campement puis flâne aux alentours pendant que Merlin, rendu fou par les remous des gros poissons qui traînent sous le pont, pêche comme un forcené.


Eden est d’un calme exemplaire, quand à Kinaï, surprise, il dort (dans les peaux de mouton, ça va de soi). La nuit tombée, j’arrache mon amour à sa rivière, et je l’oblige à m’aider à cuisiner les perches du mdi. Nous cuisinons sous la table de bois disposée sous l’abri, à cause du vent qui vient de se lever. Au menu, nous avons des perches aux oignons, et leur compotée de pommes au caramel. Parce que c’est les vacances, bordel de merde. Un jour, je préparais des moules-frites avec un ami punk à chien, bien au chaud dans son squat. Il m’a dit : c’est pas parce qu’on est sdf qu’on sait pas cuisiner. J’étais bien d’accord, et j’ai trouvé la formule sage. Nous dormons sur les bancs de bois de l’abri, et passons une nuit claire et superbe sous le vent de mer.


Par dilou : le 11/01/14 à 22:24:08

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 Il est super, ton récit ! Vivement la suite

Par Danae : le 11/01/14 à 22:54:24

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 wiiii ! Merci de vos encouragements, je suis très heureuse que ça vous plaise !

Alors je continuuuue !

Jour 5
Je suis réveillée en sursaut par un énorme filet de poisson que Merlin agite sous mon nez, tellement fier de lui qu’il sautille sur place. C’est le plus gros brochet que j’ai jamais vu (même si ce n’est que le deuxième de ma vie), et il l’a attrapé à l’aube, à l’heure où les carnassiers mordent. Il y a presque un kilo de viande, sans la tête le truc est long comme le bras. Je n’aurai jamais mangé autant de poisson ni gouté autant d’espèces différentes que pendant ce voyage, où nous avons connu sous certains aspects une vie d’un luxe surréaliste. Petit dèj, puis Merlin file en stop au bled voisin (grâce à une super excuse : sa copine fait de l'hasme, il lui faut de la ventoline ! LOOOOL) pour acheter en pharmacie un remède à la diarrhée d’Eden qui ne s’améliore pas, et a repeint le bivouac. Je garde les ouailles et prépare le départ pendant qu’il se fait vendre une poudre constipante qui aurait eu de l’effet… si on avait eu une dose de cheval. C’est finalement l’argile, que j’ai commencé d’ajouter à sa ration (à raison d’une bonne poignée par litre), qui viendra à bout du problème. Il fallait voir sa tête quand il mangeait…



Nous continuons notre route sur le halage, jusqu’au petit port de Besle (Baisse-le au bord de la Vilaine, LOOOOL) pour opérer une pause diabolo-flotte fraîche au café du coin, où nous faisons une arrivée remarquée. Rapide pause internet via la wifii du café – avais-je dit que merlin avait emmené son ordinateur ? Quand je vous parlais de luxe. Pendant ce temps Eden subit une inspection commentée des consommateurs posés au soleil.

Je commence à remarquer des tendances intéressantes dans les remarques que font spontanément les gens en voyant Eden : les hommes veulent savoir la race, et enchaînent rapidement sur des remarques liées au courses, et regardent plutôt sa tête, face à Eden ; les femmes en général me disent qu’il est beau, ou font des compliments en regardant son corps, placées sur le côté. Quant aux enfants, leur regard alterne entre moi et le cheval, et ils commencent souvent par me demander si c’est le mien, parfois suivi d’un « Mais t’as le droit ? » , avant de me demander son nom (chose très rare venant des adultes). Les hommes caressent en donnant des tapes, alors que femmes et enfants sont souvent plus doux. Je m’amuse beaucoup. Faudrait faire des stats à grande échelle pour voir les corrélations.

Par Danae : le 11/01/14 à 22:56:14

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 Translation jusqu’au camping d’à côté : this is fishy dinnertime. C’est Merlin qui prépare la bouffe aujourd’hui, pendant que je répare tranquillement une rêne cassée. Je vous ai dit qu’il était cuisinier ? Il prépare le brochet à l’abri dans une cabane-toboggan du camping, sous les yeux hallucinés des gamins qui n’ont jamais vu ça. Un peu plus loin, un clochard blond en vélo torse nu, bronzé et couvert de cicatrices hurle des insultes aux passants en roumain, véner de n’avoir pas accès aux douches municipales. On discute un peu plus tard avec lui, et apprenons qu’il a traversé plusieurs fois la France à vélo. On serait tenté de le penser vantard, mais ce serait sans l’incroyable attirail déglingué et pourtant complet qu’il trimballait sur son vieux vélo. Nous croiserons assez peu de nomades comme lui durant ce voyage, ce qui m’a surpris par rapport à mes excursions passées. Il refuse poliment notre invitation à manger, et nous nous collons proprement 400 g de poiscaille de luxe chacun dans l’estomac, cuisinée au miel avec des petites patates, de l’échalote et des épices. Je fais quelques pas et m’écroule dans l’herbe comme une quiche après ça, pour dormir sur le dos pendant que Merlin apprend à pêcher aux gosses du coin. Quand j’ouvre les yeux, je vois Eden qui me regarde dormir, protecteur, posé près de moi à la ligne d’attache. C’est la paix.

Départ un peu plus tard. Le paysage change depuis quelques kilomètres, et on sent l’approche progressive de la mer. Les abords de la rivière se font moins boisés, moins sauvages, et laissent place à des champs, tandis que nous croisons de moins en moins de promeneurs. La route devient pénible pour Eden, qui est pieds nus. Le chemin de sable a laissé place à une horrible caillasse, et il commence à peiner. Il renâcle, et après avoir constaté l’absence d’alternative, je le convaincs de continuer, mais c’est de mauvaise grâce qu’il s’exécute. Je prévois de faire une pause à Redon, car une légère boiterie menace un antérieur. Sa fourchette arrive au contact et s’est échauffée. Je me promets d’en profiter pour le ferrer. Bien que ce soit normalement contre ma religion, faut pas non plus se montrer stupide.

Nous arrivons à Lezin, au confluent de la Vilaine et du Don, où nous avons prévu l’étape. La route redevient potable, et le paysage superbe. Au détour du chemin, nous sommes invités à manger par deux jeunes pêcheurs de carpes munis d’un attirail incroyable (j’apprendrai bientôt que la pêche à la carpe constitue tout un art). Tranquillement installés avec leur camion au bord de l’eau, ils fument des gros pétards en regardant le temps passer. Nous acceptons l’invitation de bon cœur et montons le camp. Je tends la ligne d’attache d’Eden dans un repli de terrain ombragé à l’écart du chemin, en pleine herbe bien riche.

Les petits rituels du soir deviennent une habitude bien huilée : dessangler, attacher, donner à boire, féliciter de la route puis desseller avant de mettre les peaux à sécher. Le moment préféré d’Eden consiste en la séance de frictions avec une poignée d’herbe, suivi d’un bon pansage et de gratouilles. Je trempe également ses pieds dans l’eau autant que possible, pour les décongestionner après la marche. Puis je le nourris, sitôt qu’il a assez brouté pour éviter un bouchon.

Ce soir je suis inquiète pour son pied, mais comme la boiterie est encore loin d’être franche, j’essaye de me détendre. Les deux carpistes m’aident pas mal : gros pétard en entrée, puis tajine de légumes, soi-disant raté… Ces types à l’évidence étaient modestes. Ce plat valait encore un bon resto. Bientôt eux et Merlin entament une discussion de pêcheurs spécialistes et j’y comprends pour ainsi dire rien du tout. Mais j’aurai ma vengeance très bientôt, quand ce sera mon tour de discuter poney avec des collègues ! La discussion dérive à un moment sur les ragondins, qu’on voit partout par ici, et j’apprends avec stupéfaction que les cris de bébé mouton qu’on entend résonner un peu partout autour de la rivière sont poussés par les ragondins. Le pétard me rend un peu parano, et pendant un moment je reste persuadée qu’ils se payent ma tronche. Mais non. Ces foutus ragondins font une espèce de bêlement aigu, Bêêêêê, qui part en BêêBLBLBL quand ils ont la bouche dans l’eau. C’est surréaliste. Je passerai les soirs suivants à bêler après les ragondins (non non, c’est pas la drogue, c’est de naissance…). Le pétard m’endort, et je vais me coucher auprès d’Eden pendant que Merlin montre à ses copains pêcheurs de carpes comment on attrape du carnassier. Il a déjà attrapé une petite anguille qu’il leur offrira au matin.


Par Danae : le 11/01/14 à 23:21:47

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Jour 6
C’est là que ça devient n’importe quoi. Je suis réveillée en sursaut par un truc énorme qui marche près de me tête, et quand j’ouvre les yeux, je bloque quelques secondes : il y a deux chevaux. Un énorme cheval de trait avec des allures de Merens (à mon très noble avis) a surgi de nulle part et squatte tranquillement le carré d’herbe d’Eden, avec qui il fait copain.

Bonjour, c’est le matin, il fait beau, et un cheval sort du néant en pleine cambrousse. Moi je dis : THIS IS LIFE. Personne ne s’est aperçu de rien, les garçons dorment encore en rêvant de grosse carpes et d’anguilles géantes. J’inspecte le loulou : pas de licol, rien du tout, mais des pieds dans un état déplorable, n’ayant visiblement pas vu un maréchal depuis un bail, un seul fer encore accroché par deux pauvres clous, et une plaie suppurante au grasset, grande comme la main et visiblement pas soignée. Mais le bestiau n’a pas l’air gêné le moins du monde, et il embête gentiment Eden en faisant semblant de déclencher une bagarre d’étalons. Ah oui, parce que monsieur est un vrai monsieur, comme son entrejambe le confirme.
Bon. Il me faut un café.

Pendant que je prépare le petit dèj, notre étalon des plaines commence à se balader, et à un moment fait semblant de partir vers le chemin d’où nous venons, mais les appels désespérés d’Eden le font se raviser, et il retourne finalement à l’ombre, près de son nouveau copain. Je me décide à lui improviser un licol avec une sous-gorge et un bout de vieille rêne, histoire de ne pas le laisser divaguer avec cette blessure, et je vais réveiller Merlin qui dormait, presque accroché à sa canne, les deux chevaux à mes côtés. Je me paye une tranche de rire devant sa tête : il bloque : ya deux chevaux, y comprend pas.

Petit déjeuner avec nos deux potes pas plus choqués que ça, qui tournent à l’herbe dès le café. Nous sacrifions une partie du contenu de la trousse d’urgence pour nettoyer correctement la plaie du loulou, avant de nous décider à l’emmener avec nous jusqu’à nouvel ordre. Nous lui retirons son fer qui sonne quelques kilomètres plus loin, avec la pince qui se sera révélée utile. Bien entendu, nous mettrons sur pied des hypothèses sur son errance à base de maltraitance et de fugue du pré pour cause de solitude, et espérons secrètement - et de façon très irréaliste – le garder avec nous. Il est très attachant.



Par Danae : le 11/01/14 à 23:23:42

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 S’ensuit une journée drôle mais pénible pour moi, à cause de la traction permanente de l’entier que je tiens à la longe à la suite d’Eden. Il faut pourtant remarquer que les deux loulous démontrent un bon vouloir exemplaire, ravis d’être ensemble, et s’adaptant sans heurts à la situation. Nous faisons route bon gré mal gré vers Redon sur de mauvais chemins. Quand j’oublie la douleur de mes épaules tirées, je fais trop ma maline. Eh ouais ! DEUX chevaux ! Sisi, t’as vu ! Pis c’est un Merens, en plus ! (La suite de l’histoire nous prouvera que c’était un trait Breton, et que ma connaissance des races de chevaux lourds est déplorable).


Petite pause dans un boui-boui saisonnier au bord de l’eau, où nous avons appris par les passants qu’une fête du cheval avait lieu. Nous espérons y trouver les propriétaires de l’entier, ou quelqu’un qui les connaisse. Nous déchantons une fois sur place : c’est une foule de touristes en crocks et casquette, qui mangent des côtelettes de porcs sous les tonnelles, des familles et flopées de gosses venues voir « les chevals » et écouter la musique folklorique que hurlent les haut-parleurs. Et en lieu et place d’une fête du cheval , c’est une grande course de poneys qui a lieu, montés par les gosses de la région qui rejouent des courses de trot et de galop que les papas du cru doivent affectionner.

Ça pourrait être drôle à regarder, parce que la plupart des gamins montent comme des quiches sur leurs poneys survoltés, et l’ambiance a son charme, seulement les gens nous regardent de travers. Ils nous prennent pour des gitans, ce qui sera de plus en plus fréquent par la suite. Faut voir aussi l’allure qu’on commence à se trainer : nos tenues sont pas exactement celles qu’on verrait tous les jours en manège, on commence à se tanner ; ajoutez à ça les cicatrices de Merlin (qui a eu un accident grave il y a des années) et mes cheveux de sorcière, les deux chevaux, le vélo attelé et le chien de salon efflanqué en procession… Les gens ont besoin de cases, d’étiquettes, et ça devenait dur de nous en coller une. Par défaut, on avait l’air de Roms. D’ailleurs Merlin a réellement une part de sang gitan, et on se sent plutôt flattés.

Pour ne rien arranger, l’entier a commencé à chanter après les juments, et à se tenir un peu moins sage. Ah oui, c’est vrai, il a des couilles et des idées celui-là. Bon, on file de là.
On a mangé à l’écart, profitant quand même des vendeurs de sodas frais.

Puis la route jusqu’à Redon, plus pénible à mesure que le jour avançait. Arrivé aux abords de la ville, Eden boitait pour de bon. Fin de route à pied pour moi, et retraite dans un gîte équestre situé non loin de la rivière. Je le conseille à tous : le gîte de la Riaudais. Après qu’on lui ait expliqué la situation, le gérant, un type adorable, accepte de nous héberger gratuitement quelques jours, nous et nos chevaux. Il nous ouvre une pâture, et nous laisse la jouissance d’un appentis pour ranger nos affaires. Il s’excuse même de ne pouvoir nous héberger sous son toit à cause des clients, et nous offre du café, et des matelas de plage épais pour la nuit. Nous le remercions mille fois, soignons les chevaux, et dès qu’ils se trouvent tranquilles à l’herbe, nous nous endormons comme des masses, à la belle étoile dans le pré.


Par Danae : le 12/01/14 à 00:32:18

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 Jour 7
Nous laissons les copains se détendre à l’herbe et après un petit dèj de poisson, nous faisons un tour chez les gendarmes de Redon pour signaler l’entier perdu (un MERENS monsieur), et leur donner l’adresse du gîte. Ils réagissent avec un flegme hallucinante, par franchement choqués ni trop concernés. Mi inquiets mi pleins d’espoir, nous leur demandons si nous pourrions le garder en cas de non réclamation : ils ne voient pas pourquoi on ne pourrait pas. Nous sortons de là un peu dans les nuages : le monde normal s’éloigne doucement. Ce n’est que le début…

Nous descendons en ville visiter Redon, et faisons une razzia sur le marché local, où Merlin découvre scandalisé de grandes anguilles à la vente sur l’étal d’un poissonnier local, ce qui est rigoureusement interdit à cause de leur raréfaction. Le prix aussi est scandaleux. Nous observons les cas sociaux locaux qui décuvent en plein marché, avant de prendre possession d’une table de café pour un pique-nique.

Je quitte ensuite brièvement l’aventure pour un rapide allez-retour à Rennes, où je prends le temps de rater un entretien d’embauche de M2 psychologie (c’était foiré d’avance, OSEF !). Je reviens le lendemain après une nuit à Rennes, presque rassurée par l’année de petits boulots et de chômage tranquille qui se pointe à l’horizon, et reprends la route de plus belle.

Par Danae : le 12/01/14 à 00:34:35

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 Jour 9
L’entier est reparti pendant mon absence, récupéré par son maître dès le lendemain de la déclaration. Nous avions cassé du sucre sur son dos à tord : l’homme était paniqué, et avait cherché son cheval partout. Ses pieds ? Oui, il ne s’en était pas vraiment occupé, c’est vrai. La blessure ? Il la soignait avec de l’homéopathie… -_-‘ On aurait pu le prendre pour un pur crétin si Merlin n’avait pas vu de ses yeux son cheval courir vers son maître en entendant son nom (Tonnerre, ça lui allait vraiment bien faut dire malgré le côté kitsch) , sortir du pré et le suivre sans besoin ni d’une longe ni d’un licol, visiblement ravi de retrouver le monsieur. Il est monté dans le van sur simple demande, et quand Merlin interrogé le monsieur, un peu surpris, il a appris que c’était toujours comme ça, le cheval était fidèle à son maître comme un chien, sans besoin d’être attaché, même en ballade ensemble. Sauf que les autres chevaux lui manquaient quand même, c’est pourquoi il faisait souvent de fugues hors de son pré, où il vivait seul près de son propriétaire. On le laisse partir sans regrets, heureux de le savoir entre de bonnes mains – après avoir montré à monsieur Homéopathie comment nettoyer correctement une plaie…


Eden, en terrain plus frais et mou, ne boîte visiblement plus. J’ai appelé le maréchal de notre hôte, qui nous rejoint en début d’après-midi pour poser à Eden ses premiers fers depuis quatre ans ! Le monsieur, très compétent, confirme l’état d’échauffement de la fourchette de son antérieur, et lui pose des fers bien épais pour la route, à chaud. Eden ne bronche pas, je suis très fière de lui. Mais quand j’y pense, il a dû connaître ça au temps de m’entrainement des courses.
Après avoir chaleureusement remercié le gérant du gîte, nous repartons à l’aventure… Et faisons 4 km ! Car nous avons prévu une étape chez un copain habitant le centre de Redon, chez qui nous débarquons tranquillement en milieu de journée. Il a une petite maison, dotée d’un superbe et grand jardin clôt de murs, avec des arbres que je ne connais même pas : je découvre un eucalyptus, et en m’aventurant dans la partie sauvage, des cerisiers couverts de fruits. Eden découvre le concept de la bouffe sans effort, l’herbe étant si haute qu’il n’a pas besoin de baisser la tête pour manger.



Il sillonne le jardin comme un furieux, excité par cette pause de trois jours, goutant tout ce qu’il trouve, avec un gout prononcé pour les cerises tombées sous les arbres. Nous pique-niquons dans l’herbe avec notre ami, qui entre deux discussions pour prendre des nouvelles les uns des autres, couve du regard mon cheval énervé qui ravage son jardin. Il est comme nous un noble défenseur du Bordel, et comme nous, il cultive à son échelle le N’importe Quoi, vecteur direct d’un bonheur simple et nécessaire. Quand son propriétaire halluciné lui demandera quelques semaines plus tard s’il sait pourquoi il y a du crottin de cheval dans le jardin, il feindra l’innocence.
Merlin se fabrique et fume des bidîs, des cigarettes roulées dans des feuilles d’eucalyptus, pendant que je mange des kinders, le collègue boit du café. La discussion s’éteint lentement et vient l’heure de dormir ; lui rejoint son lit, tandis que nous nous couchons au milieu d’un bosquet d’arbres, afin d’être protégés des déambulations d’Eden. Kinaï épuisé plonge littéralement dans mon duvet. C’est le bonheur, très simplement.

Par Danae : le 12/01/14 à 00:35:42

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 La suite demain ! Bonne lecture à tous

Par dilou : le 12/01/14 à 13:12:10

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 Il était bien joli, le mérens breton !
Superbes aventures, encore, encore !

Par Danae : le 12/01/14 à 14:18:29

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 Oui, on l'aurait bien gardé ! Juste un gros nounours !

Merci Dilou !!!

La suite alors !

Par Danae : le 12/01/14 à 14:23:13

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 Jour 10
Nous quittons notre ami le lendemain après un énième café turc partagé sur l’herbe. Je digère sur la route une overdose de kinder délices sous le regard des autochtones incrédules de voir un cheval en plein centre-ville, pendant que notre ami retourne à son épuisant travail saisonnier.
Merlin, Eden, Kinaï et moi reprenons la route en essayant de suivre la Vilaine, mais le chemin de halage a disparu au profit d’installations industrielles et de stockages portuaires. Nous faisons un détour, puis la rejoignons à nouveau rapidement.

Sur la route, nous croisons les plus gros chevaux que j’aie jamais vu, enfermés à l’arrache sur un terrain autour d’un hangar. Toutes les juments couinent après Eden, qui reste indifférent, peut-être un peu triste d’avoir perdu son super copain couillu.


Il devaient la nourrir aux burgers-frites, ou quelque chose comme ça


Nous continuons vers Rieux, longeant toujours la Vilaine élargie. Des bateaux quittent Redon pour partir vers la mer, c’est assez romantique.


Puis nous avançons dans un paysage qui change rapidement… Si vous regardez sur une carte, vous verrez que sur ce tronçon de route, la vilaine et son halage passent sur une zone innocemment blanche, et dépourvue de route. Et pour cause, puis que nous nous avançons bientôt dans un désert de chaume, sans croiser personne de la journée. Sur les deux bords de la rivière les champs de blés moissonnés cuisent doucement sous un soleil de plomb, et jusqu’aux premiers reliefs boisés de l’horizon où finissent les cultures et reprend le monde des hommes, le seul relief du paysage sont les centaines de bottes de paille qui attendent d’être stockées. La saison a un mois de retard, et nous mangeons des cerises en juillet, mais cela ne vaut visiblement pas pour le blé, qui est ramassé tôt dans ce coin.

Merlin et moi devenons à moitié cinglés à cause de la chaleur, et nous sommes pris d’un fou rire à cause des bottes qui par centaines, sont toutes tournées dans la même direction ; vers nous en fait. Elles nous regardent, elles pensent. Elles sont vivantes. Nous rigolons comme des connards, et pour parfaire le tableau nous sommes presque à poil, parque qu’à force de ne croiser personne, dans ce genre de désert et par cette chaleur on a plus trop de complexes.


Après Rieux le halage disparaît, laissant place à des chemins de culture aléatoires et impraticables. Nous virons vers Béganne par de petites routes qui serpentent sur la colline, parallèlement à la Vilaine. Le paysage devient mignon, un peu moins harassé par les chaleurs que dans la vallée fluviale. Les moissonneurs font des allers-retours entre les champs et leur ferme avec des chargements de paille. Nous croisons des cerisiers jaunes couverts de fruits, bientôt transférés dans nos estomacs. 5 ou 6 km plus tard, juste après Tréfin, minuscule sous-bled, nous redescendons vers la rivière par un chemin de terre. Nous échouons au milieu de nulle part, au bord de l’eau presque immobile, qui prend des lourdeurs d’huile. Je desselle, et Merlin m’aide à creuser un trou où nous plantons un poteau afin de fabriquer un point d’attache à Eden, car il n’y a pas un arbre à l’horizon, et les roseaux ne suffiront pas. Nous mangeons, puis après avoir tenté en vain d’attraper des anguilles, Merlin part se promener à vélo, pendant que je bouquine à la lueur de ma lampe dans le soir qui tombe.



Un moment plus tard, je décide de déplacer Eden pour la nuit près de l’unique buisson présent dans le paysage, car ça va faire trois fois que je le surprends à trainer obligeamment derrière lui le poteau d’attache arraché pour aller brouter plus loin. Il est attaché court une nuit entière pour la première fois, c’est pourquoi je prends le temps d’un câlin, en lui expliquant bien qu’il faut qu’il soit sage, et que c’est provisoire. Il ne fait pas de scandale, et se montre exemplaire, faisant semblant de grignoter l’épineux pour la forme. Je m’endors près de lui, avec Kinaï roulé au plus profond du duvet en état de coma, en repensant à notre première longue randonnée ensemble, trois ans auparavant, quand il était encore à moitié intenable à chaque nouvelle étape, s’excitait pour rien, et piétinait à l’attache. C’est le jour et la nuit. La confiance qui s’est peu à peu instaurée entre nous, et dans les deux sens, aura tout rendu possible.

Je me réveille peu avant le retour de Merlin : l’ai aperçu au loin l’approche de la lumière de sa frontale, alertée par Eden. Il revient avec deux poulets : l’un mort, et l’autre vivant. Il les a trouvés au bord de la route, et ils ont trébuché dans son sac par accident. L’un d’eux y a trouvé la mort. Pouf. Ce sont des choses qui arrivent. Nous décidons de garder l’autre pour plus tard et le laissons entravé dans son sac pour la nuit. Merlin passe une partie de la nuit à vider et préparer l’animal, en bon chasseur qu’il est. Et moi je dors. En fait c’est pas mal, parce que lui il pêche, il chasse, et moi je mange. Les choses sont bien faites.

Par Danae : le 12/01/14 à 14:29:23

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 Petite note technique : sur la dernière photo vous verrez que la longe n'est pas directement attachée à l'anneau du licol ; c'est parce que je l'ai passée dans la boucle du montant du licol avant de la fixer à l'anneau. C'est un truc que j'avais lu dans un manuel de rando, ça fonctionne très bien pour limiter les prises de longes.

Après tâtonnements, c'est cette méthode que je privilégierai à celle d'attacher Eden par le pâturon d'un antérieur (nœud de chaise), car plus rapide à défaire en cas d'urgence.

Par Danae : le 12/01/14 à 17:15:33

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Jour 11
Nous perdons doucement contact avec le monde normal, et les réalités s’éloignent, au profit de quelque chose de différent. Le temps s’écoule différemment, nous avons déjà l’impression d’être partis depuis des semaines, et les journées semblent très longues, comme quand on est gosse.
Je dois préciser ici que Merlin et moi nous entendons vraiment bien (c’est un euphémisme), et que nous sommes très complémentaires sur ce genre de randonnée, adorant tous les deux ce genre de vie, et n’étant ni l’un ni l’autre novices quant aux techniques aptes à la soutenir. Cela joue beaucoup, car il n’y a pour ainsi dire pas d’obstacle à l’ajustement progressif de nos gestes et de nos pensées à ces nouvelles dimensions du monde que nous redécouvrons. Vivre sous le ciel, marcher sous le ciel, manger et dormir sous le ciel, cela vous change. Pardonnez-moi de poser sur la table un aussi vieux cliché, mais oui, on se sent plus libre, les limites s’éloignent dans nos têtes.

Et à mesure qu’elles s’éloignent, le N’Importe Quoi s’approche doucement et organise autour de nous un subtil basculement dans notre voyage, qui devient à partir de là de plus en plus drôle et bizarre. Car c’est quelque chose que chacun sait : nous définissons nous-même dans quel monde nous voulons vivre, et quels garde-fous nous voulons poser autour de nous pour n’être pas submergé par ce monde chaotique et sans pitié. Les gens qui ne font pas ça deviennent cinglés, ou en ont l’air. Nous étions prêts à éloigner les nôtres, et le monde nous l’a rendu, par une naturelle loi d’équilibre, à coups de bonnes grosses tranches de What the Fuck. On était heureux.



Message édité le 12/01/14 à 17:12

Par Danae : le 12/01/14 à 17:18:00

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 Fin de l’aparté : c’est le 11 ème jour, nous sommes quelque chose comme le 13 juillet ou peu s’en faut, et la journée commence sous un beau ciel tout bleu, sous lequel se lèvent les brumes de l’aube. Nous commençons la journée par un café-biscuits, car nous n’avons plus de pain et les boulangeries se font rares dans le désert. Je laisse Merlin entamer sa phase de réveil (une bonne heure) en sirotant son café clope face à la rivière, et je selle Eden qui broutait près de nous pour un petit défoulage du matin. Il l’a bien mérité, après avoir été si sage toute la nuit.

(Moi les jambes en avant ? Non,jamais.)


Nous emballons ensuite soigneusement notre poulet mort (direction le garde-manger), et nous déballons le poulet vivant. Il se réveille comme un charme de sa nuit (« pout ? ») l’air vaguement étonné de se trouver là. Nous lui délions les pattes, et laissons la poulette faire quelques pas. Elle reste là, l’air paumée, fuyant vaguement dans les roseaux quand Kinaï subit une pitoyable émergence de ses instincts de chasseur (au plus fort de l’action il lui lèchera sauvagement le cou).


Notre poulette n’a que quelques mois, et c’est une belle petite poule noire de race « cou nu », comme nous l’apprendrons bientôt. Nous la laissons en sursis le temps de monter le départ, puis nous décidons tout à coup qu’elle est trop mignonne et que ce sera impossible de la manger. Nous l’adoptons, et Merlin lui trouve un joli nom : Pouletto 1er Dragon. Oui, c’est une femelle. Et alors ? Je la prends avec moi sur Eden pour lui enseigner les joies de l’équitation, et nous repartons vers de nouvelles aventures.



Par Norie : le 12/01/14 à 22:09:44

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J'en suis au jour 9, super récit, vraiment !!! Ca met bien dans l'ambiance !

Je lirais la suite demain, mais n'écris pas trop vite !

Mais le mérens !!! Rohhhhh !!!

Par laetice63 : le 13/01/14 à 10:22:11

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 génial ton périple la suite la suite la suite

Juste une question vous dormiez la ou vs vs trouviez ou vs aviez tout prevu a l'avance?

Par cocolabricot : le 13/01/14 à 12:26:54

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 super cpte rendu! J'aime ton ecriture... je viens d'arriver sur nantes depuis toulouse avec mon copain et ma jument... ça me donne clairement des idees pour cet été... trop longtemps que je ne suis pas partie sur les chemins et ça me manque trop! J'aime beaucoup l'idée du velo a remorque a creuser!
En tout cas merci un milliard de fois pour le recit de votre aventure, ça fait du bien au coeur de l'hiver, et ça donne des idées!

Par Erzebeth : le 13/01/14 à 18:05:26

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 Extra cette rando!

Ca donne envie! et ça donne des idées...

Par Danae : le 14/01/14 à 20:42:42

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 Merci à vous ! Je suis heureuse que ça vous plaise, et encore plus que ça vous donne des idées ! C'est le but



Coco l'avantage du vélo à remorque c'est qu'on peut transporter plus de trucs que si on avait un cheval chacun, finalement. Ça permet un minimum de luxe. Surtout pour l'eau : on en transportait dix litres, et ça faisait à peine la journée !

Laetice, on prévoyait rien du tout, on partait le matin, et quand on en avait marre ou qu'on trouvait un endroit chouette on s'arrêtait, tout simplement C'est plus facile que ce qu'on croit, à partir du moment ou la ligne d'attache n'est plus un problème. Et étrangement, quand on demandait l'hébergement c’était rare qu'on nous le refuse !

Par Danae : le 14/01/14 à 23:00:31

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 OK, la suite alors !

Encore Merci pour vos encouragements !

Nous reprenons la route vers Béganne, longeant toujours la vilaine par les collines habitées qui surplombent la vallée fluviale et ses cultures. La route n’est que côtes et descentes, descentes et côtes, et Merlin, qui tire à peu près 80 kg de matériel divers, commence à peiner. Nous n’avons évolué que sur du plat jusqu’à présent. On a soudain une idée géniale : attacher la longe d’Eden au guidon du vélo, rallongée d’un bon mètre de corde de cuir, puis la fixer au pommeau de ma selle qui a l’arçon fendu (Il faut se rappeler qu’elle est fichue comme une Mac Lellan). Les côtes suivantes sont enfilées comme sur des roulettes, au sens littéral, puisqu’Eden tire complaisamment tout le barda, et Merlin avec. Ce cheval adore les côtes, allez savoir pourquoi, si il y une côte et de l’effort il est content. Je dois même me méfier car il est capable de grimper sur les talus par surprise, pour le plaisir. (ATTENTION ne reproduisez pas ça chez vous, cette scène a été tournée par des heu... des professionnels, hein, on va dire, et c'est en réalité très dangereux et stupide, bien que desolpilant.)

Donc tout le monde est ravi, et Eden commence un programme de musculation du dos et des épaules original qui portera très rapidement ses fruits (Comme dans Pokemon : Gros Gras Poney EVOLUE en Sexy Trotteur Musclé).

Il faut quand même, faute de photo, essayer d’imaginer la scène, et la gueule des gens qui nous croisaient : Eden en tête, avec sur le dos une cinglée en suspension en train de l’encourager, un poulet sur les genoux, et derrière Merlin torse nu fumant sa clope, sur son vélo plein de fringues en train de sécher, avec la carriole pleine à craquer derrière contenant un King Charles heureux de ne plus marcher, langue au vent. Bon, l’étiquette Gitan était définitivement plaquée sur notre équipe.

Un peu plus tard, Pouletto, bien calé dans mon écharpe nouée à ma taille en mode banane pour éviter les chutes, se met à ronronner. Oui. Depuis un moment elle avait l’air particulièrement tranquille et à l’aise, et appréciait manifestement la balade au soleil, mais tout à coup elle s’est mise à produire ce petit son tout mignon : Brrroouuuuuu. Brrrrrooooouuuu. Brrou. Très aigu, à craquer. J’ai cru au début qu’elle avait un problème. Mais non. Quand ils sont contents, LES POULETS RONRONNENT. Ce n’est juste pas du tout connu, parce que personne ne fait jamais de câlins à un poulet. Pouletto est définitivement adopté ; il ronronne, c’est génial.


Nous découvrons bientôt au détour d’un chemin une petite combe ensoleillée, où un lavoir chante joliment sous les fruitiers. Nous décidons d’opérer une pause toilette-repas, qui dégénère en bain-bataille d’eau. Eden attaché à un pommier est infâme, il veut repartir aussitôt et tourne comme une toupie autour de l’arbre pour marquer son désaccord. A partir de ce jour, il se montrera excité tous les matins, très en forme, et insistant pour parcourir le plus de route possible, et je serai obligée de le retenir pour qu’il ne coure pas sans arrêt. Vers 15 heures il se calmait généralement. Il adore randonner, c’est une évidence, mais il ne sait pas s’économiser. Cheval de course un jour…



Message édité le 14/01/14 à 22:57

Par Danae : le 14/01/14 à 23:20:00

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Pouletto que nous avons lâché dans l’herbe riche nous surprend à attaquer des insectes énormes avec une efficacité de dinosaure prédateur. Quand nous lui montrons un joli papillon de nuit qui dormait sous une fleur… il le bouffe. Nous sommes morts de rire et jouons à lui trouver un max d’insectes. Puis nous mangeons, pendant qu’Eden essaie de dévorer l’arbre, en nous jetant des regards furieux.


Après le bain dans l’eau glacée pleine de petits di-ticks et d’insectes bizarres (les rares passants auront pu observer deux grands gosses penchés sur l’eau les fesses en l’air), nous remplissons les gourdes et reprenons la route après cette longue pause à l’ombre. Elles deviendront nécessaires à mesure que l’été s’avance, et que les chaleurs se font de plus en plus lourdes. Nous prendrons bientôt l’habitude d’allonger notre pause du midi, pour marcher en fin de journée, quand le soleil tape moins.


Nous arrivons bientôt à Beganne, où une pause au bistrot du coin s’impose. Quatre diabolos plus tard (oui, nous sommes de grands alcooliques), tout le monde étant rafraîchi, nous repartons direction Foleux et son tout petit port fluvial, où nous avons envie de faire étape. L’endroit est vraiment beau. Au détour de la rivière, un petit port apparaît, et c’est un bien grand mot pour deux pontons de planches jetés depuis la berge dans une petite crique de rivière.

Le véritable port est plus bas sur la berge, et nous voyons les mâts des bateaux plaisanciers qui marquent les eaux en contrebas de la rivière. Sur une petite éminence, une vieille chapelle en ruine surplombe les eaux du fleuve, et aux alentours quelques maisons de part et d’autre du petit bras de rivière, au milieu de beaux jardins et de pré à moutons. Les cris des oies domestiques et des poules d’eau résonnent de concert. L’endroit est charmant, et nous investissons la chapelle, car une fois passée la vieille arche de la porte, l’endroit est vaste comme un petit paddock, clôt et couvert d’herbe.

Nous y apprenons d’un vieux panneau touristique que nous suivons toujours la route du sel, chose qui nous avait échappé jusqu’à Redon. Nous sommes des touristes incultes. Mais il est assez émouvant de gîter sur une étape clé de cet antique commerce, qui depuis les marais salants et la Brière acheminait par voie fluviale du bon sel pour mettre dans les casse-croûtes Bretons au temps du moyen âge, et pour lequel des messes étaient célébrées à l’endroit même où mon cheval broute. Le poids de l’histoire, mon pote. Une fois Eden à l’aise, nous nous occupons de fermer l’entrée de la chapelle avec nos cordages, et des points d’attache improvisés. Eden est visiblement assez mécontent d’être là, car il voudrait qu’il y ait plus d’herbe. Il réclame de sortir, mais comme nous n’avons pas mieux pour cette nuit, nous le consolons avec une bonne ration de granulés de luxe. Pouletto découvre cette nouvelle nourriture avec enthousiasme, avant de commencer à chercher des fourmis à manger, tandis qu’Eden finit ses restes.

Paye ton eucharistie. Moi jvais à la chapelle a cheval mec, avec mon poulet. Si si. Si j'avais su que je ferais ça un jour quand j'avais 10 ans et que je mourais d'ennui au catéchisme, ça m'aurait donné du courage, ou même la Foi, va savoir !


Nous faisons ensuite connaissance avec nos voisins immédiats, et leur demandons l’accès au petit pré donnant sur le petit port, où nous aimerions bien faire un feu pour ce soir, rapport à un certain poulet. Polis, le vieux monsieur et sa famille qui habitent là nous ouvrent leur pré, et nous offrent même du bois pour notre feu. Nous leur en seront d’autant plus reconnaissants le lendemain, quand ils nous avoueront avoir été très choqués et fâchés de voir un cheval investir leur chapelle.
Dans ces campagnes, on ne rigole pas avec le sacré, et même sans toit, cette vieille chapelle portait encore son aura chrétienne inviolable, teinté d’une touche de magie locale. Nous viendrons nous excuser auprès d’eux le matin suivant, après avoir nettoyé les crottins d’Eden, et fait fumer un peu d’encens sur l’autel.

Mais pour l’heure, le sacré ne nous préoccupe guère, tandis que nos estomacs réclament du poulet. Nous faisons un beau feu de camp et collons l’animal à rôtir, proprement embroché. Il me faut préciser ici que je suis végétarienne. Si, si. Mais mon dégoût de la viande est lié à ce que l’industrie agro-alimentaire a fait des animaux d’élevage, non à la viande elle-même. Pour la première fois depuis plus d’un an, je vais manger la chair d’un animal, et j’y consens parce qu’il a vécu proprement, et qu’il est mort proprement (cf Avatar ; « tu l’as bien tué ». Oooouuuh je sens mon incroyable niveau de culture me donner des frissons au cortex.).

Bref, tout ça pour dire que du vrai bon poulet rôti, j’en mange deux fois l’an, et je le choisis moi-même dans le poulailler où je l’achète ou l’empreinte. A la nuit tombée, celui-là est bien cuit et nous faisons bombance, moi timidement tout de même, mais Merlin s’enquille presque toute la bestiole. Nous jetons les os à la flotte dans l’espoir d’attirer des anguilles, puis Merlin pêche un peu, debout sur le ponton branlant.

Visiblement pas encore rassasié, il insiste pour harponner les ragondins qui passent dans l’eau à deux mètres de lui, leurs petits yeux de hamster phosphorescents luisant dans le rayon de la lampe. Je ne suis pas d’accord (assez de viande pour ce soir), et lui assène l’argument de leurs cris de bébé mouton trop mignons, qui depuis une heure fusent un peu partout dans les roseaux. On peut pas pêcher un rongeur qui pousse un cri pareil. Nous repartons retrouver Eden et s’installer pour la nuit. Pendant le câlin du soir je remarque un phénomène bizarre : des centaines de milliers de moucherons minuscules lui squattent le poil. Ajouter à ça l’ambiance mystérieuse qui émane de cette chapelle sans toit depuis que la nuit est tombée… A la lumière de la lune elle semble deux fois plus grande, et ses murs de pierre alourdis par l’ombre semblent vouloir nous écraser.

La puissance du temps écoulé en ces lieux vieux de plus de mille ans nous tombe comme une chape sur les épaules, et c’est sans honte que nous dormons HORS de ses murs, aussi discrètement flippés l’un que l’autre. L’encens offert sur l’autel le lendemain n’était pas une mesure en l’air, à notre superstitieux avis. Nous dormons toutefois très bien ; si fantômes il y avait, ils dormaient aussi.



Message édité le 14/01/14 à 23:16

Par Danae : le 14/01/14 à 23:26:59

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 Jour 12
Après avoir honoré les lieux, ainsi qu’un petit-dèj de luxe où Pouletto découvre les joies de la confiture Bonne Maman, nous repartons enthousiastes comme tout, prêts pour une nouvelle journée à suivre les eaux.

Vue de l'intérieur de la chapelle


Et une page de pub, spéciale dédicaces aux confitures Bonne Maman qui déchirent leur race.



Nous ne savons pas encore que l’étape la plus difficile de notre voyage nous attend, et que dans la journée nous ne pourrons parcourir que quelques kilomètres.

En effet, la Vilaine devant nous forme un bras mort où a été aménagé le petit port de plaisance fluvial de Foleux. Au-delà de ce bras, un ruisseau dévale les collines au milieu de denses bosquets de sous-bois, pour venir se jeter dans la Vilaine, nous obligeant à remonter loin dans les terres afin de contourner le bras, et de passer ce ruisseau par un chemin praticable. S’ensuit un long détour ou nous remontons vers le plateau, avant de replonger dans les collines verdoyantes où le GR semble aller se perdre.

Nous faisons notre pause du midi à l’ombre de la forêt, aux abords du ruisseau, où dans un trou d’eau écumeux des truites font les malines. Merlin devient fou et après en avoir raté une, s’enfonce dans le sous-bois où serpente le ruisseau comme un trappeur schizophrène, tenant sa canne comme une lance à Caribou. J’apprends très vite que le geste nécessaire pour pêcher en forêt ces poissons vifs qui se planquent au moindre souffle constitue un art précis et subtil, afin d’envoyer l’hameçon sans se faire repérer à la place exacte où le poisson viendra mordre, et sans s’accrocher aux branches ou aux fougères. D’où sa tête d’homme-loup psychopathe rampant parmi les troncs : il est très concentré.

Pouletto libéré de la calèche rôde autour du petit banc où je me suis posée pour bouquiner, pendant qu’Eden détruit le noisetier auquel je l’ai attaché, et que Kinaï mange du bois. Cette poule est décidemment vraiment sympa : elle tourne autour du petit campement sans s’éloigner, et ratisse l’humus en quête d’insectes, en faisant des petits commentaires caquetés. Elle est trop mignonne, et a l’air de vraiment s’amuser. Merlin revient bientôt, bredouille mais heureux d’avoir repris la main dans l’art de pêcher des truites dans la jungle. Nous fuyons devant l’arrivée d’une famille de touristes indélicats qui ont décidé que le trou d’eau des truites est une pédicure idéale.

Les chemins sont de plus en plus chaotiques, même si ces petites collines boisées sont un vrai délice après tous ces jours sans abri sous le soleil. Les fers d’Eden se révèlent alors une bénédiction, sans quoi il n’aurait pas pu passer ces chemins pierreux, ni tirer le vélo dans les nombreuses côtes raides qui apparaissent au détour d’un virage. Sur la route en fouinant un peu nous découvrons en plein sous-bois la très vieille ruine d’un moulin, à cheval sur un ruisseau qui s’échappe de son lit.

Plus loin, nous sommes forcés de jouer de la machette dans un fouillis d’arbres tombés en travers du GR. Nous soupçonnons les gens du cru d’avoir voulu éviter que les quads foutent trop le bordel dans leur forêt. Les côtes qui nous attendent après ça nous font suer. Nous sommes parfois obligés de séparer vélo et carriole et de les porter à la main tellement la pente est raide. Arrivés sur une crête, nous découvrons un merisier aux fruits particulièrement sucrés : il est sacrifié à notre goûter. Merlin grimpe et fait un sort à coups de machette à l’une des branches maîtresses. Nous repartons les doigts rouges, gavés de merises jusqu’à la nausée.

NOUS RESPECTONS LA NATURE ! Moi je mange mes merises BIO directement à la branche d'un merisier équitable dans une forêt respectueuse de la forêt. Bio.



Par edbayonne : le 15/01/14 à 09:17:27

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" Merlin grimpe et fait un sort à coups de machette à l’une des branches maîtresses." .... .... y'a quand même plus écolo et plus respectueux de l'arbre comme façon de cueillir les merises ....


Message édité le 15/01/14 à 09:14

Par Sahel46 : le 15/01/14 à 14:05:20

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Comme Edbayonne, non pas que ça me gène qu'on coupe les branches d'arbres, mais par contre c'est à mon sens l'inverse de ça : NOUS RESPECTONS LA NATURE !

En tous cas, je suis ton récit avec passion, ça donne TRES envie!!!

Par Danae : le 16/01/14 à 23:00:56

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 Sahel et Edbayonne, c'était de l'ironie, de l'autodérision... Bien sûr qu'on l'a massacré le merisier, et non, on a pas vraiment respecté la nature... Il faut pardonner mon absence de complexes à ce sujet. C'est parce que j'estime que le reste du temps, on cumulait à nous deux l'impact écologique de trois ou quatre ragondins en moyenne (des ragondins fumeurs, éventuellement.).

Bon, on avait surtout super faim.

Prêts pour la suite ? Ça continue !

La journée s’avance, et nos flâneries, ajoutées à la route difficile, ne nous ont guère fait avancer. La carriole surchargée a déjà les roues complètement voilées, et nous craignons qu’elle nous lâche. Après un passage particulièrement délicat où des arrêtes de rocher s’amusent à jaillir du sentier escarpé en mode montagne, nous perdons la foi, et obliquons plein ouest sur le plateau, abandonnant provisoirement la Vilaine. A moitié perdus, nous sommes sauvés par une découverte pratique : la carte indique les lignes à haute tension.
Ça manque de romantisme, mais c’est bien pratique.

Nous prenons ensuite vers le Sud pour atteindre Marzan, où nous débarquons à moitié affamés en début de soirée. Sur la place de l’église se trouve un concept intéressant : un café-boulangerie, dont la boulangerie est restée ouverte. Nous la dévalisons, avant de nous installer en terrasse, à l’ombre, béats comme des princes. Pouletto s’excite dans la carriole, réclamant du gâteau (il commence à comprendre le concept de bouffe infinie que nous représentons), Eden dévore avec entrain le pain dur que lui offrent quelques jeunes filles toutes heureuses. Quand à Kinaï, il (re)décrouvre les joies de l’homosexualité, avec un autre King Charles de son âge enthousiaste et consentant. Tandis qu’ils se chevauchent avec vigueur (comme des chiens, dirais-je, LoooL) nous commençons à discuter avec deux motards attablés près de nous, et nous lions peu à peu d’amitié. Papa Motard finit par nous inviter chez lui pour la nuit.

Après notre repas (gâteaux-chocolat-café, this is life Bro), nous le suivons chez lui, et débarquons bientôt dans la maison de Litteul Kevin (pour ceux qui ont lu la BD). Papa motard avec sa grosse barbe vit ici avec sa jolie femme, et ses deux gamines délurées, l’une en pleine joyeuse crise d’adolescence, et l’autre plus jeune, une vraie tornade sur pattes. Une fois Eden mis à l’aise en mode tondeuse dans leur petit jardin plein de bordel, ils nous invitent à leur table, et nous racontent leurs propres errances du temps de leur vie de punks, pendant que leurs chiennes réclament en fourbe des bouts de côtelette sous la table. Ils nous conseillent de faire étape dans une certaine aire de loisirs si nous souhaitons prendre un peu de repos.
La douche qu’ils nous offrent est une bénédiction.

Le lendemain, nous effectuons un dernier ravitaillement dans cette super boulangerie, Eden faisant gentiment la route avec la cadette sur le dos. Elle est fière comme un dictateur en conquête, et surveille bien les alentours, attentive à ce que tout le village soit témoin de sa gloire. Après de joyeux adieux, nous quittons Marzan pour mettre cap sur La Roche Bernard, après quelques détours pour éviter les grands axes. Nous avons décidé de traverser la Vilaine, pour suivre la route côtière, d’abord le long de l’embouchure, puis le long des plages. Mais d’abord, il faut passer ça :


Par Danae : le 16/01/14 à 23:02:55

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 Eden n’a jamais franchi un truc pareil. En plus de la hauteur, la route du pont est assez fréquentée, et j’ai un peu d’appréhension. Autant dire que je flippe pour rien. Eden n’a pas peur des ponts, ce sont les ponts qui ont peur de lui. Constatez plutôt.

« Je reprendrais bien une tasse de thé. »

Arrivée à Port de La Roche en début d’après-midi, sous un soleil terrible. Nous descendons jusqu’à la rivière guidés par une quinquagénaire curieuse, qui se révèlera un vrai pot de colle, intrusive et touchant à tout. Nous l’évinçons en l’ignorant suffisamment longtemps. Nous débarquons sur les quais, dans le port fluvial le plus conséquent que nous ayons visité depuis le début du périple. Des bateaux à fond plat débordants de touristes font des manœuvres le long des berges, et des petits voiliers vont et viennent dans le port. Des meutes de touristes déambulent sur la promenade, et notre premier souci est de nous poser sans qu’ils nous gênent, et inversement. Nous nous installons sur un carré d’herbe en retrait de la promenade, et je nous fabrique un espace privé en tendant la ligne d’attache entre a promenade et notre zone de squat. Quelques jeunes arbres nous procurent un peu d’ombre ; malgré le manque de tranquillité, c’est le mieux que nous puissions trouver dans l’immédiat.


En effet, la pause était urgente : Merlin ne se sent pas bien. En réalité, cela fait plusieurs heures qu’il a des vertiges, un méchant mal de crâne et la nausée, mais il n’a rien dit et je n’ai rien remarqué. Ça n’a rien d’étonnant, puisque le bougre est parfaitement capable de marcher tout en faisant la causette, quand quelqu’un de normal serait depuis longtemps par terre en train de se mordre le poing. Pour le coup, maintenant que nous sommes au repos il est par terre pour de bon, allongé sur des tissus, et il attaque la phase active de son insolation. Il passera les heures suivantes à brûler de fièvre, incapable de se lever. Eden à l’attache fait gentiment la sieste ; Pouletto remisé dans la calèche pour plus de discrétion, et Kinaï fait semblant de dormir, surveillant en réalité le passage des chiennes, qu’il assaille frénétiquement sitôt à portée de museau.

Pour ma part, je veille sur le repos de Merlin, le couvrant de tissus humides, et faisant gentiment taire les enfants attirés par Eden qui prétendent parler fort près de mon amoureux malade. Je bouquine vaguement, observant surtout les déambulations des touristes d’un œil amusé, derrière mon air fermé – garantie de tranquillité.

Il est amusant de constater qu’à chaque paysage traversé, nous rencontrons des touristes d’un genre différent. Le long des berges de la Vilaine, c’étaient des randonneurs, toujours sympathiques, à pied ou à vélo, parfois même en famille, trainant leurs enfants ou leurs bagages (et parfois leur chien !) dans de petites calèches semblables à la nôtre. Ici, je vois défiler des retraités et leurs petits-enfants, enthousiasmés par le pittoresque petit port. Presque pas de « jeunes », mais une concentration effarante de vieux bourgeois vêtus de blanc, la casquette ou le chapeau du dimanche vissé au crâne comme une pièce d’uniforme. Les regards qu’on nous jette sont souvent perplexes, parfois méprisants ou scandalisés (« des gitans ! ») ; parfois plein de rêve et de douceur émue. Il y a enfants enthousiastes et émerveillés par la présence d’un cheval que leurs grands-parents tirent de force derrière eux sans un mot à notre vue, et des vieux aux yeux tous ronds et un grand sourire aux lèvres qui traînent leurs gamins sceptiques et médusés dans notre direction. Je me marre beaucoup.

Par Danae : le 16/01/14 à 23:04:47

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 Eden est couvert de dix jours de sueur et de crasse recuites qui lui rendent le poil collant, et me font lorgner vers la descente en pente douce aménagée sur le quai pour le mouillage des embarcations. Bientôt je profite d’une émergence de Merlin pour y amener Eden, qui se plante les quatre sabots sur le pavé sec et me regarde : « ouais mais nan mais c’est mouillé ton truc là tu vois. » 5 minutes de persuasion plus tard, on a tous les deux notre petit moment de gloire quand les touristes se groupent en masse pour regarder et filmer un Eden mort de rire, qui s’amuse comme un petit fou à faire le dragon, éclabousser l’univers et plonger sa tête dans l’eau jusqu’aux oreilles. Je le frictionne, hilare, avec des coucous aux spectateurs impassibles, qui pour certains ne sourient même pas. Les gens ne savent pas s’amuser. Mais on s’en fout !


Eden tout brillant retourne à l’attache un moment plus tard, remarquablement détendu par son bain. Il s’endort doucement à l’ombre, près de Merlin qui fait discrètement des bulles, délirant de fièvre, mais avec une sorte de pudeur distinguée. Au bout de quelques heures il émerge un peu plus, et je m’autorise à le quitter le temps de visiter une boutique où l’on vent du miel. J’aime beaucoup le miel, je suis capable d’en manger un Kg par semaine en me restreignant. Je suis un peu en manque. La boutique est kitsch à souhait, assortie à une vendeuse kitsch qui regarde de travers mes pieds nus. Un étalage de miels de toutes sortes se propose aimablement à la dégustation. Je déguste donc, goûtant chaque pot. Je vais me décider pour un trèfle à la texture intéressante, quand la vendeuse vient m’embêter, pas contente du tout que miss va-nu-pieds s’attarde sur ses pots, surveillant mes mains d’un air de soupçon qu’elle ne cache même pas. Merde alors. Je laisse tomber son miel hors de prix et lui achète des sucettes, payant deux euros avec tout le dédain dont je suis capable.

Merlin se sent mieux, et se lève pour tituber jusqu’au camping voisin en quête d’une douche. Je l’y relaye quand il revient, et nous nous sentons bientôt tous les deux beaucoup plus en forme, rafraîchis et reposés par cette pause de quatre heures. Bientôt Merlin se trouve d’attaque pour reprendre la route. Il a bouffé son insolation comme un Kebab au goûter, en seulement quelques heures, comme je l’ai déjà vu faire en d’autres occasions. L’hiver passé, je l’ai vu se payer une intoxication alimentaire, et se relever après douze heures à gémir et suer sous la couette. Les maladies qui lui tombent dessus passent en accéléré, en mode super-concentré (comme de la tomate). C’est un super pouvoir spécial que les fées lui ont donné au-dessus du berceau. Elles étaient saoules et ont dit n’importe quoi, c’est pourquoi mon amoureux à plein de talents rares et rigolos.

Avec tout ça nous n’avons pas mangé, et après avoir levé le camp, nous bavons en passant devant les menus que proposent les restaurants du coin. Ça ne rate pas, et deux cents mètres plus loin nous attachons Eden devant un restaurant marrant installé dans une chaloupe. Nous ne sommes pas riches, mais nous allons nous faire plaisir quand même. C’est l’heure de manger des moules.

Eden ne le voit pas de cet œil. Il vient de passer presque cinq heures à dormir, et il veut bouffer de la route, pas glander tout seul à l’attache. J’essaie de le calmer, mais rien n’y fait. Nous trouvons une table ou je peux le garder bien en vue, et j’assiste au spectacle des passants enhardis par mon absence, qui s’essayent à des caresses et se mangent des coups de tête « du gentil cheval, tu vois, peut le caress… BAM ». Un monsieur plus insistant que les autres qui lui balance des claques viriles se prend même un coup de dents. Autant dire que je ne peux pas vraiment me détendre, et que je ponctue le repas d’allers retours pour calmer la bête avec du pain, et éloigner les fâcheux. Eden réussira tout de même à COUPER la corde d’attache d’un coup de dents bien placé. Quand il a une idée en tête celui-là…

La patronne se montre à la limite de la politesse avec nous, et nous fait bien comprendre qu’elle espère nous voir partir en nous évinçant le café. Elle exagère, car nous sommes des clients des plus courtois malgré notre apparence débraillée, de plus, Eden attire les touristes, qui ont tôt fait de tourner leur intérêt vers sa carte. Nous sommes à la fois amusés et vexés, et au moment de payer l’addition, nous nous faisons passer pour des clients-mystère, et lui témoignons avec un sourire et de belles tournures notre grande déception face à son accueil. Nous goutons une joie mesquine et simple devant son expression qui change, et quittons la place à fond les ballons, au galop et roue libre comme des cow-boys après un hold-up.

La suite de l’aventure nous porte sur les falaises qui se haussent au-dessus de la rivière qui s’élargit toujours plus, sur les petits chemins côtiers qui ont remplacé le halage. Nous marchons jusqu’à la nuit pour rattraper un peu de notre étape perdue à l’ombre. Vers 22 heures nous échouons dans une toute petite bourgade où nous demandons l’asile à un vieux gentil monsieur, occupé à bêcher ses poireaux en pleine nuit. Il nous indique une pâture déserte où nous ne serons pas ennuyés, et nous propose la jouissance de son robinet de jardin. Tout au long de notre route, nous recevrons un accueil semblable dans tous les endroits où nous passerons nos nuits, et nous resterons touchés par ces petits gestes très simples, offerts par les habitants avec naturel. Autant les touristes nous auront souvent regardés de travers, autant les gens des campagnes nous auront émus par leur hospitalité. Ils poussaient parfois la politesse jusqu’à se montrer peu démonstratifs, et sobres dans leur accueil et leurs cadeaux pourtant précieux à notre confort, nous permettant ainsi de nous sentir à l’aise, et non redevables. Nous avons reçu ces attentions comme des marques d’honneur. Ces gens souvent très humbles nous servaient de la diplomatie princière. Nous leurs rendions les honneurs.


Il est rassurant de constater que notre époque moderne où l’individualisme et la crainte de l’autre sont injectées dans les masses à coups d’émissions TV n’a pas encore effacé des mémoires l’acte simple de recevoir le voyageur. Très rarement sous son toit, mais souvent dans la grange ou le jardin, pour que personne ne se sente gêné. On partage la nourriture, on partage des histoires. C’est une très, très vieille coutume sociale, et nous étions heureux qu’elle vive encore.

Nouvelle nuit sous les étoiles. C’est la saison des étoiles filantes, et les hulottes se passent le mot. Le souffle coupé, nous assistons à la chute d’un météore ENORME dans l’atmosphère, poursuivi d’une trainée de flammes de type Fin des Dinosaures. La nuit s’est éclairée quelques instants d’une lueur rouge surnaturelle. Eden s’en tape, et s’applique à ne laisser aucun brin d’herbe survivant dans ce pré de foin coupé.

Par amideschevalsrose : le 16/01/14 à 23:15:23

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 SUGOIIIII VIve les chevals roses à pluuuuumes <3

Par amideschevalsrose : le 16/01/14 à 23:29:27

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  Trololo

Par amideschevalsrose : le 16/01/14 à 23:30:55

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Par dilou : le 17/01/14 à 09:50:09

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 Passons outre les interruptions qui se croient drôles et ne le sont pas : c'est intéressant, cette expérience des réactions des gens devant ce qui est inhabituel ! De la méfiance, de la curiosité, de la bienveillance.. vous aurez tout eu.

Par kefiretlome : le 17/01/14 à 17:20:57

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C'est vraiment très bien raconté !
ça pourrait/aurait pu faire un chouette article pour la Gazette

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